Une tribune pour les luttes

Cycle de réunions publiques : Rapport Hommes/Femmes - 9

Féminisme et méthodes d’approche

par Pierre Tichané

Dans nos façons de penser et d’aborder la réalité, il y a des hypothèses sous-jacentes peu explicitées et encore moins démontrées.

Historiquement, la méthodologie qui nous imprègne majoritairement en Occident depuis le 17ème siècle est le cartésianisme. Reposant sur la mathématique et redoutablement efficace pour aborder les sciences « dures » et développer des techniques, elle se révèle mal adaptée aux situations complexes comme le vivant, les organisations, etc.

Une autre méthodologie s’est peu à peu développée, à partir du 19ème siècle, la dialectique, qui a pris une place importante dans les sciences humaines (marxisme, psychanalyse, syndicalisme).

Plus récemment, des ébauches de méthodologies se regroupent autour de la systémique en essayant de promouvoir des façons nouvelles de penser la complexité. Edgar Morin en est l’un des théoriciens.

On pourrait lister et comparer les postulats de ces 3 grandes méthodologies puis repérer leurs manières spécifiques d’aborder des thèmes que nous avons étudiés cette année. Par exemple :
-  les questions d’identité hommes/femmes
-  le féminisme un ou multiple
-  l’objectivité des analyses
-  les discriminations
-  le pouvoir
Et/ou bien d’autres choisis par les participants.


La réforme de pensée

Extrait de La tête bien faite d’Edgar Morin au Seuil (l’Histoire immédiate)
www.millebabords.org/spip.php?artic...

Rappelons le second et le troisième principe du Discours de la Méthode :
- « diviser chacune des difficultés que j’examinerai en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre »…
- « conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés jusqu’à la connaissance des plus composés… »

Le second principe porte potentiellement en lui le principe de séparation et le troisième le principe de réduction, lesquels vont régner dans la connaissance scientifique.

Le principe de réduction comporte deux branches. La première est celle de la réduction de la connaissance du tout à la connaissance additive de ses éléments. Aujourd’hui, il est de plus en plus admis que comme l’indiquait Pascal, la connaissance des parties dépend de la connaissance du tout comme la connaissance du tout dépend de la connaissance des parties.
La seconde branche du principe de réduction tend à limiter le connaissable à ce qui est mesurable, quantifiable, formalisable, selon l’axiome de Galilée : les phénomènes ne doivent être décrits qu’à l’aide de quantités mesurables. Dès lors la réduction au quantifiable condamne tout concept qui ne se traduit pas par une mesure. Or ni l’être, ni l’existence, ni le sujet connaissant ne peuvent être mathématisés ni formalisés...

Aujourd’hui, ces principes ont révélé leurs limites … Il y a effectivement nécessité d’une pensée
- qui saisisse que la connaissance des parties dépend de la connaissance du tout et que la connaissance du tout dépend de la connaissance des parties,
- qui reconnaisse et traite les phénomènes multidimensionnels au lieu d’isoler de façon mutilante chacune de leurs dimensions,
- qui reconnaisse et traite les réalités qui sont à la fois solidaires et conflictuelles (comme la démocratie elle-même, système qui se nourrit d’antagonismes tout en les régulant),
- qui respecte le divers tout en reconnaissant l’un.

À une pensée qui isole et sépare, il faut substituer une pensée qui distingue et relie. A une pensée disjonctive et réductrice, il faut substituer une pensée du complexe, au sens originel du terme complexus : ce qui est tissé ensemble.


pour ceux/celles qui veulent aller plus loin dans la pensée de Morin, un petit bouquin de la collection Points - Essais : Introduction à la pensée complexe

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