Une tribune pour les luttes

URIF CGT

Travailleurs sans-papiers : 4ème jour de grève, 3ème nuit d’occupation.

Revue de presse : 327 travailleurs "sans papiers" sont maintenant en grève et occupent leur entreprise.

Article mis en ligne le vendredi 18 avril 2008

Voir sur Mille Bâbords l’ article 8289

Communiqué URIF CGT

Paris, le 18 avril 2008

Travailleurs sans-papiers : 4ème jour de grève, 3ème nuit d’occupation.

327 travailleurs "sans papiers" sont maintenant en grève et occupent leur entreprise.

Le 15 avril à l’appel de la CGT et de l’association Droits Devant !!, ils étaient près de 300, à s’engager dans ce mouvement pour exiger leur régularisation et celle de tous les travailleurs "sans papiers". Après une période d’installation, le mouvement tend maintenant à s’élargir.

Le nombre de travailleurs des entreprises déjà en grève augmentent. Dans la chaîne de restauration "Chez Papa", de 20 les grévistes sont passés à 36 ; à Véolia-Wissous de 12 ils sont maintenant 19, à US Passion traiteur, à Colombes, de 11 grévistes, ils sont maintenant 15…

Depuis hier, de nouvelles entreprises sont touchées par ce mouvement de grève notamment de petites entreprises dans le bâtiment et dans le nettoyage…D’autres plus importantes vont l’être, sous peu, comme dans la restauration.

Sur pratiquement tous les lieux d’occupation des délégations d’Associations de soutien aux "sans-papiers", d’élus locaux, régionaux, de responsables politiques et d’associations caritatives, comme Emmaüs, viennent apporter leur soutien moral et politique aux travailleurs "sans papiers" en grève.

Tous les grévistes occupent leur entreprise et dorment sur place. Ils ont besoin de couvertures, de repas et de tout ce qui peut aider à rendre plus facile ces longues heures de relative inactivité.

Des centaines et des centaines de signatures de pétitions commencent à remonter dans les Unions départementales de la CGT. Sur certain lieu d’occupation, des caisses de grève sont mises en place et commencent à se remplir.

Nous appelons à la généralisation et à l’amplification de ce mouvement de solidarité, déterminant pour obliger le gouvernement à entendre la revendication des grévistes.

Depuis hier des salariés de grandes entreprises, bien souvent avec leur syndicat CGT, comme à la RATP, à la SNECMA, à Tahlès ou encore à PSA…, viennent à la rencontre des travailleurs "sans papiers" sur le lieu de grève et contribuent dans certain endroit comme à Colombes à faire que le patron respecte les grévistes et le droit de grève.

Aujourd’hui ceux de PSA seront à Pavillon sous Bois à 12h avec les grévistes de Casa Nova. Et les conducteurs de la ligne B du RER invitent les "travailleurs sans papiers" de Massy et des environs, à 10 heures à la gare de Massy Palaiseau à leur réunion d’information syndicale.

Les initiatives de ce type peuvent être développées partout.

L’Union régionale Ile de France et les représentants de Droits devant !! ont rencontré des collectifs parisiens de "sans papiers" pour examiner ensemble la nouvelle situation créée avec le déclenchement de la grève du 15 avril et voir quelle initiative prendre pour élargir le mouvement en cours.

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INFO DERNIERE MINUTE :

Notre camarade KONTE Mamadou du restaurant de la "Grande Armée" à été régularisé par la Préfecture de Paris hier jeudi 17 avril. Ce qui porte à 8 salariés régularisés sur 9 en grève.
Nous restons mobilisés pour la régularisation du 9ème.


URIF CGT

263 rue de Paris – Case 455

93514 MONTREUIL CEDEX

Tél : 01.48.18.83.92 -

http://www.urif.cgt.fr


Grève des sans papiers à Neuilly, un pied de nez à la politique de Sarkozy !

RESTAURANT « LA JATTE » À NEUILLY-SUR-SEINE 9 CUISINIERS ET PLONGEURS SANS-PAPIERS ENTAMENT À LEUR TOUR UNE GRÈVE ILLIMITÉE POUR LEUR RÉGULARISATION

Ce samedi à midi, 9 travailleurs sans-papiers employés depuis des années (entre 3 et 12 ans) au café « La Jatte » à Neuilly-sur-Seine, entament à leur tour une grève illimitée, avec le soutien de Droits devant !! et de la CGT, pour exiger leur régularisation.

Dans ce restaurant, fréquenté par nombre de personnalités politiques, dont M. Sarkozy, ils sont 9 cuisiniers et plongeurs sans-papiers sur 12 employés en cuisine. Chacun de ces travailleurs sans-papiers, comme des milliers d’autres, occupe un poste pour deux, fait des heures supplémentaires non payée, et alimente les très substantiels profits que leur patron se fait sur leur dos.

Les toutes dernières déclarations de la frange la plus dure du patronat, proposant une régularisation limitée à des critères de tri entre bons et mauvais travailleurs sans-papiers, ne sont pas acceptables.

La régularisation des travailleur(se)s sans-papiers doit être globale afin d’assécher complètement ce terreau d’exploitation qui met en compétition les travailleurs et sert au patronat et au gouvernement à toujours mieux saper les acquis sociaux et les solidarités.

Les milliers de travailleurs « au noir », les milliers de femmes travaillant dans l’« aide à la personne »... toutes celles et tous ceux qui subissent au quotidien le joug de l’esclavagisme, toutes celles et tous ceux qui servent de gibier pour nourrir la flexibilité... toutes et tous doivent être régularisés dans l’égalité des droits. Tel est, tel sera notre combat.

Rendez-vous au café « La Jatte » 67, boulevard Georges Seurat île de la Jatte 92200 Neuilly-sur-Seine Métro : Porte de Champerret (ligne 3), puis bus 163 et 164 (arrêt Île-de-la-Jatte)


Revue de presse :


Les travailleurs sans papiers plus que jamais déterminés

L’humanité le 17 avril 2008

Immigration . Troisième jour de grève des salariés sans titre de séjour exigeant leur régularisation. Le mouvement demande l’intervention du gouvernement.

La grève lancée mardi par la CGT, avec l’appui de l’association Droits devant, allait-elle se limiter à une action coup de poing ou pouvait-elle, comme l’ambition en était affichée, s’inscrire dans la durée. Hier, le maintien de la mobilisation ne laissait planer aucun doute. « Les salariés se sont installés dans une occupation durable de l’ensemble des sites », confirme Serge Fargeot, de la CGT Paris. Dans la plupart des treize lieux concernés, les grévistes ont passé leur première nuit « dans la convivialité », comme en témoigne Mady Yena, occupant du siège de la fédération des employeurs des principales entreprises de nettoyage d’Île-de-France, situé

à Villejuif (Val-de-Marne). « Nous nous sommes cotisés pour les repas. Certains ont dormi sur les bancs, d’autres sur des couvertures », raconte-t-il. Son collègue, Soumanou Souleman, a obtenu des papiers en 1990. « J’ai été régularisé par le travail. Mais moi aussi, avant, je travaillais sans papiers, car on m’avait refusé le statut de réfugié politique », raconte ce Béninois d’origine, syndiqué et en grève par solidarité.

Sur les quelque 170 000 salariés du secteur du nettoyage en Île-de-France, environ 20 % seraient en situation irrégulière. « Ceux qui ont leurs papiers ont tout intérêt à se mettre en grève. Car ils ne seront jamais augmentés tant qu’il existe des salariés que l’on peut payer moins cher et sur lesquels les patrons mettent la pression pour qu’ils travaillent encore plus », explique Soumanou, qui regrette que la solidarité au sein des entreprises ne soit pas plus forte. Cette solidarité, en revanche, se renforce dans la population, le voisinage. « Des commerces près des sites occupés apportent leur soutien à la lutte. À Fabio Lucci, de nombreux passants ont contribué au financement de l’action pour la régularisation des neuf salariés », précise Serge Fargeot. Dans le 13e arrondissement de Paris, c’est le chantier d’une opération immobilière de la COGEDIM qui a été choisi pour mettre en lumière les conditions de travail indignes des salariés sans papiers du bâtiment. Démolition, désamiantage, les travaux préliminaires sont effectués par des ouvriers en majorité en situation irrégulière. « Ils travaillent six jours sur sept, sept heures et demi par jour, pour 1 050 euros par mois. Parfois, ils font jusqu’à quarante-cinq heures par semaine et le salaire peut aller jusqu’à 1 200 euros, précise Christian Gabet, responsable local de la CGT. Le maître d’ouvrage a fait mine de découvrir qu’il travaillait avec des entreprises qui ne recrutaient quasiment que des sans-papiers », poursuit-il. Vingt personnes ont dormi sur place, dans des locaux très exigus. Autour d’un petit feu, Kandé Diarra, Lansana Camara et leurs collègues boivent un café. Chaque heure de grève voit leur paye diminuer, mais ils n’en ont rien à faire. « C’est secondaire. Ce qu’on veut, c’est la régularisation, car on n’a aucun droit », répètent-ils. Même pas celui à l’hygiène en l’occurrence : pas de sanitaire, un vieux seau de peinture rempli d’eau en guise de lavabo et un tuyau pratiquement au sol pour boire.

Alors que le mouvement entame son troisième jour, la CGT attend toujours un signe de la part du gouvernement. Hier, en fin d’après-midi, un rassemblement a eu lieu devant le ministère du travail. À l’heure où nous écrivions ces lignes, la CGT ne désespérait pas de pouvoir entrer en contact avec le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux. Car, pour les grévistes, il n’est plus concevable d’entrer dans une logique de demande de régularisation au cas par cas. Et encore moins de dépendre du pouvoir discrétionnaire de chaque préfet. « Nous attendons du gouvernement qu’il intervienne auprès des préfectures pour qu’il y ait une régularisation globale », précise Soumanou Souleman, de la CGT.

Mais le ministère semble avoir une interprétation très personnelle des nouveaux textes. Selon lui, la dernière loi sur l’immigration du 20 novembre 2007 et la circulaire du 7 janvier 2008 « ne prévoient évidemment pas qu’un étranger en situation irrégulière aurait un droit à être régularisé sous prétexte qu’il travaille ou a une promesse d’embauche ». En revanche, l’article 40 s’engage « à prendre en compte la capacité d’intégration en France d’un certain nombre de travailleurs ayant des compétences particulièrement recherchées sur le marché du travail ». Ce qui semble ici correspondre à la situation. Et d’Hortefeux, de sortir la rengaine sarkozienne : « Sauf situation humaine particulière, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine. » Il ne reste plus qu’à s’entendre sur la définition d’humain.

Ludovic Tomas


Les travailleurs sans-papiers poursuivent leur grève

NOUVELOBS.COM | 18.04.2008 | 08:41

Une manifestation est prévue à 18h30 à Paris, à l’appel notamment de la CGT, de la Cimade et de la LDH. Près de 300 travailleurs sans-papiers, soutenus par la CGT et le patronat de l’hôtellerie-restauration, sont en grève depuis mardi pour réclamer leur régularisation.

Dans le cadre de la grève de près de 300 travailleurs sans-papiers en Île-de-France, la CGT, la Cimade, la LDH, REST et la Fédération de l’entraide protestante appellent, vendredi 18 avril à partir de 18h30, à former un "cercle du silence" contre le traitement "inhumain et dégradant" fait aux familles et aux travailleurs migrants en situation irrégulière, place du Palais Royal, à Paris (Ier).
La CGT, à l’origine de cette première grève de salariés sans-papiers, et le patronat de l’hôtellerie-restauration ont interpellé le gouvernement pour une régularisation de ces travailleurs déclarés, jeudi, sans obtenir de réponse.

Le rendez-vous prévu jeudi au cabinet du Premier ministre François Fillon avec le Synhorcat (Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs), qui demande la régularisation des salariés sans-papiers du secteur, a été annulé par Matignon, sans explication. Aucune nouvelle date de rendez-vous n’a été fixée.

Patrons pour la régularisation

Didier Chenet, président du Synhorcat, avait souligné mercredi que "face à la multiplication des actions des travailleurs étrangers sans-papiers employés dans des entreprises, dont certaines relèvent de la restauration, le Synhorcat est déterminé à s’engager aux côtés de ses adhérents pour obtenir la régularisation des travailleurs étrangers".
Une autre organisation patronale, l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), qui revendique 80.000 adhérents, s’est également prononcée jeudi en faveur de la régularisation des salariés sans-papiers embauchés avant juillet 2007 et déclarés par leur employeur.

Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a de son côté estimé jeudi que les arrêts de travail des sans-papiers, observés depuis mardi dans une vingtaine d’entreprises franciliennes de plusieurs secteurs d’activité, mettaient en lumière "une forme d’esclavage d’aujourd’hui".

"Situation d’hypocrisie"

"Ce n’est pas admissible que dans un pays comme le nôtre, on ferme les yeux, qu’on s’installe dans cette espèce de situation d’hypocrisie, où des entreprises et pas des moindres, ont une part importante de leur main d’œuvre en situation irrégulière", a-t-il déclaré sur France Inter.
Il a fustigé les employeurs "qui ont carrément exploité cette situation", mais salué "ceux qui aujourd’hui prennent conscience qu’elle ne peut perdurer".

La CGT demande l’ouverture de négociations avec le ministère du Travail sur l’application par les préfets d’une circulaire parue en janvier qui autorise des régularisations à la demande des employeurs dans les secteurs "en tension", qui connaissent des difficultés de recrutement.

"Misère la plus indigne"

La secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet a appelé jeudi à soutenir les salariés sans-papiers estimant qu’ils "font avancer", avec leur grève, "toute la société". "Il y aura un avant et un après la grève concertée des 300 travailleurs sans-papiers", a-t-elle dit dans un communiqué.

Les grévistes ont également reçu l’appui des Verts qui voient en eux les "exemples vivants de l’hypocrisie populiste gouvernementale".
"Beaucoup d’entre eux travaillent depuis des années au bénéfice de l’économie française dans une misère sociale et familiale la plus indigne", ont souligné les Verts.

Une centaine de grévistes sans-papiers occupaient toujours jeudi les locaux de la Fédération des entreprises de propreté (FEP) à Villejuif (Val-de-Marne), pour demander leur régularisation.


Les patrons avec leurs sans-papiers

Libération : vendredi 18 avril 2008

Suite à un mouvement de grève de leurs salariés, des patrons de la restauration réclament leur régularisation.

CATHERINE COROLLER et RAPHAELLE REMANDE

« Je suis à fond derrière mes gars », clame l’un. « On a envie de garder nos salariés », dit le second. Belhaid Benaïssa est gérant de BBF, entreprise spécialisée dans l’entretien d’espaces vert, basée à Ormoy (Essonne). Vlado Jankovic, lui, est chef d’entreprise de Location-peinture-prestation, à Boissy-sous-Saint-Yon, aussi dans l’Essonne. Tous les deux font partie de ces patrons qui ont pris fait et cause pour leurs salariés sans papiers et en grève pour en obtenir.

« Pénurie ». Sur les 45 salariés de BBF, une vingtaine serait munie de faux papiers. « Je n’espère qu’une chose : qu’on les régularise au plus vite. J’ai des chantiers à attaquer, d’autres à finir, explique Benaïssa. Je ne dis pas ça que pour moi. Ces régularisations sont dans l’intérêt de l’économie du pays. » Pour Jankovic la grève des sans-papiers est « juste ». « J’ai toujours des problèmes pour recruter. Il y a une grosse pénurie de main-d’œuvre. Alors quand on arrive à fidéliser ! » Deux exemples parmi d’autres. Car en organisant, avec l’association Droits devant !, le blocage d’une vingtaine d’entreprises franciliennes grâce à la grève simultanée et coordonnée de 300 salariés sans papiers - première en France -, la CGT a manifestement réussi son coup : elle a contraint les patrons à sortir du bois. Publiquement interpellés par l’écho qu’a eu cette opération, les employeurs de ces étrangers en situation irrégulière ont été contraints de prendre position.

Dès le début du mouvement, mardi, André Daguin, le président de l’Umih, principale organisation patronale de l’hôtellerie et de la restauration, a rencontré les cabinets de Xavier Bertrand, le ministre du Travail, et de Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration, pour leur demander de régulariser d’urgence certains de ces sans-papiers. « Je leur ai dit qu’à partir du moment où un patron a déclaré son salarié, paye des charges, et dont l’employé paye ses taxes et ses impôts, je ne voyais pas comment on ne pourrait pas régulariser ce salarié, car cela veut dire qu’il a donné satisfaction dans son boulot. » Selon lui, les collaborateurs d’Hortefeux et de Bertrand « auraient été contents d’une position aussi nette ». « Vous verrez, il va y avoir des suites, promet Daguin. Il ne faut pas que cela traîne, on mettra toutes les pressions possibles. On ne peut pas débuter la saison d’été avec une équipe dont on ne sait pas ce qu’elle va être. »

Signe que les choses bougent du côté des patrons, Didier Chenet, président du deuxième syndicat de l’hôtellerie-restauration, Synhorcat, s’est dit mercredi « déterminé à s’engager aux côtés de ses adhérents pour obtenir la régularisation des travailleurs étrangers qui, bien que démunis de papiers, n’en sont pas moins déclarés et employés dans la plus grande transparence ». Le Synhorcat avait rendez-vous, hier, avec le conseiller aux affaires sociales de François Fillon pour « que le gouvernement entende la voix des chefs d’entreprise »,mais le rendez-vous a été reporté sine die par les services du Premier ministre.

Par surprise. Les responsables de ces deux fédérations l’avouent, le mouvement déclenché par la CGT les a pris par surprise. Ceux de leurs adhérents dont les locaux sont occupés par les grévistes aussi, qui ont sauté sur leur téléphone pour leur demander de l’aide. La législation se durcissant, à la fois contre les étrangers en situation irrégulière, et contre ceux qui les emploient (1), certains patrons ne savent plus comment se sortir de la nasse (lire ci-dessous).

Gérant de Konex, société de câblage informatique, Yohann Le Goff a recruté un Algérien en situation irrégulière par le biais d’une société d’intérim. « J’essaie de le régulariser depuis novembre. J’ai envoyé son dossier au préfet. » L’administration ne lui ayant pas répondu dans les deux mois, comme elle a, selon lui, « l’obligation », il va saisir le tribunal administratif. Yohann Le Goff a parlé de ce problème autour de lui et s’est rendu compte que « beaucoup de patrons ont les mêmes difficultés, et que les préfets font souvent les morts ». Affirmant parler au nom d’une trentaine de chefs d’entreprise (2), il plaide pour « une régularisation simplifiée et rapide ». Hier, Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits devant ! se réjouissait de la prise de position de l’Umih. « C’est la voix du patronat. Ils préparent le terrain. On va aller vers des négociations sur des régularisations branche par branche. »

(1) L’employeur d’un étranger dépourvu d’une autorisation de travail est notamment passible d’une amende de 15 000 euros et d’un emprisonnement de cinq ans. (2) patronsolidaires chez orange.fr


« Je leur ai dit : "Vous êtes chez vous" »

Libération : vendredi 18 avril 2008

A Paris, Bruno Druilhe soutient la régularisation des employés… qui occupent son restaurant.

GAËL COGNÉ

Avec le recul, ça le fait rigoler. « Trois personnes sont entrées dans le restaurant, peu avant 10 heures, mardi. Elles ont commandé des cafés. Je leur ai dit : "Installez-vous. Vous êtes chez vous." Ils m’ont répondu : "C’est sympa. Nous avons une grève qui va commencer" », raconte Bruno Druilhe, le patron des restaurants Chez Papa (trois établissements à Paris). Quelques minutes plus tard, les syndicalistes sont rejoints par les sans-papiers qui travaillent dans ses établissements et leur comité de soutien.

Depuis, ce patron bon vivant, au fort accent aveyronnais, est excédé. Moins par la vingtaine de sans-papiers qui occupent son restaurant du Xe arrondissement que par la situation administrative qui les a amenés là.

Ils viennent du Mali, de Mauritanie, du Sénégal, de Côte-d’Ivoire ou de Tunisie. Certains travaillent dans ces bistrots spécialisés dans la cuisine du Sud-Ouest depuis neuf ans. L’employeur assure qu’il n’a rien à se reprocher. « Lorsque je les ai embauchés, ils m’ont tous donné des photocopies de pièces d’identité. Les numéros ont été acceptés par l’Urssaf. » Des cartes d’identité faciles à se procurer glisse un sans-papiers : « Entre 150 et 200 euros. »

Bruno Druilhe a découvert le pot aux roses en juillet. Comme l’y obligeait un décret du 1er juillet 2007, il a dû vérifier l’authenticité des papiers de ses salariés. « La préfecture m’a répondu qu’ils étaient faux. » Ce qui, selon le patron, ne les a pas empêchés de payer des impôts, un loyer, des assurances… D’ailleurs, c’est l’ANPE ou des cabinets de recrutements qui lui ont recommandé ces employés.

Il tend une offre d’emploi : « Je propose 1426,36 euros brut, en CDI pour 35 heures. » Sur une soixantaine de réponses, « 52 ou 53 venaient d’Afrique. » Voilà le nœud du problème pour le patron : « On manque de main-d’œuvre. » Personne ne veut faire ce travail difficile pour un tel salaire. Les cuisiniers diplômés demandent le double. Bruno Druilhe martèle qu’il a toujours respecté la convention collective. « J’attendais que leurs démarches de régularisation aboutissent. Ils avaient le droit de travailler avec leurs documents provisoires. » Hors de question pour lui de licencier ses employés (seize rien qu’à Paris), ils lui sont trop précieux. « Pour réussir un bon axoa [plat basque à base de veau, de d’oignons et de poivrons, ndlr], il faut une certaine sensibilité. Ça m’a pris beaucoup de temps pour les encadrer et les former. »

Issaga, l’un des grévistes, confie que c’est justement pour ce savoir-faire qu’il travaille Chez Papa. Il est venu en France pour « acquérir des notions en cuisine française. Les bons cuisiniers sénégalais ont tous fait ça ». Du coup, Bruno Druilhe s’est rangé du côté de ses salariés : « Ce n’est pas pour dégager mon restaurant. Je veux qu’ils soient régularisés parce que je trouve ça stupide de ne pas donner de papiers à des gens qui ont un emploi, un contrat, et travaillent là depuis des années. » Son syndicat (le Synhorcat) s’occuperait de l’affaire avec la préfecture.

En attendant, les patrons de la restauration se font discrets, « de peur qu’il ne leur arrive la même chose », estime le patron de Chez Papa. Mais d’autres dirigeants d’établissements l’ont tout de même appelé. Bruno Druilhe assure : « J’ai reçu une cinquantaine de coups de fils de soutien. »


Le Medef entre deux chaises

Libération vendredi 18 avril 2008

Le patronat a besoin de cette main-d’œuvre… malgré son illégalité.

SONYA FAURE

S’il y a bien un sujet sur lequel on a peu entendu le patronat, jusqu’à présent, c’est sur celui-là. Régulariser les salariés sans papiers ? « Le Medef n’a pas de position commune. Le conseil exécutif ne s’est pas réuni sur cette question, répond-on à la principale organisation patronale. Les branches patronales du bâtiment ou de la restauration ont dû travailler la question. » Et pour cause, avec le secteur de la propreté et de la confection, ils sont sans doute les plus concernés par l’emploi de travailleurs sans papiers. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique le silence du Medef : la question passionne peu les patrons du secteur bancaire ou informatique, et concerne plus directement les petites entreprises, où les syndicats sont faibles. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne trouve pas de sans-papiers sur les chantiers de grands groupes du bâtiment, ceux-ci sous-traitant leur activité à des sociétés plus petites…

« Appel d’air ». Mais à la CGPME, qui défend justement les petites et moyennes entreprises, le discours flotte encore. « Mieux vaut raisonner au cas par cas, explique Jean-Eudes du Mesnil, son secrétaire général. Sinon on crée un appel d’air comme en Espagne. Il y a un manque de cohérence dans le dispositif français : comment un sans-papiers peut-il payer des impôts sans que l’administration s’en émeuve ? » Jean-François Veysset, chargé des questions sociales, sans appeler à des régularisations massives, est, lui, calé sur la ligne de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) : « Les sans-papiers qui paient des charges et l’impôt doivent être régularisés, particulièrement dans les métiers en tension. » Justement, dans l’un de ces secteurs en manque de bras, le bâtiment, la ligne est encore un brin différente : « On a suffisamment de demandeurs d’emplois en France pour ne pas avoir à recruter des sans-papiers », estime-t-on à la Fédération française du bâtiment.

« Panique ». Les silences, hésitations ou divisions de leurs fédérations professionnelles n’ont pas toujours dérangé les employeurs, peu regardants sur les papiers de leurs candidats à l’embauche. « Dans des secteurs qui ont du mal à trouver des salariés et à les fidéliser, certains sont satisfaits de leurs sans-papiers qui eux, acceptent ce qui est inacceptable par les autres… », rappelle Antoine Math, de l’Institut de recherches économiques et sociales. Surtout quand le chômage de masse se réduit.

Mais des évolutions ont poussé certains à sortir de leur réserve. Les mouvements de salariés sans papiers, d’une part, médiatisés et désormais soutenus par des syndicats. De l’autre, les nouvelles réglementations imposées par les lois Sarkozy et Hortefeux. « C’est un peu la panique parmi les employeurs : non seulement il est plus difficile de recruter des sans-papiers puisqu’ils doivent systématiquement passer par la préfecture avant embauche. Mais il est aussi devenu difficile de les garder : les contrôles ont augmenté dans les entreprises. » Et certains employeurs ne cachent pas leur lassitude face à une certaine schizophrénie du gouvernement : plus grande sévérité d’un côté, et circulaire Hortefeux de l’autre, qui permet aux préfectures de régulariser sur demande de l’employeur. « Une procédure incertaine, rapporte Antoine Math. Des milliers se sont déclarés. Mais certains ont fini au centre de rétention. »


Des patrons veulent créer un "lobby" pour régulariser leurs employés

LE MONDE | 15.04.08

Ils se sentent abusés. Des patrons viennent d’apprendre que certains de leurs "meilleurs" éléments n’ont pas de titre de séjour : ils ont été embauchés avec de faux papiers.

Depuis le 1er juillet 2007, les chefs d’entreprise ont l’obligation de demander aux préfectures, quand ils recrutent un étranger, de vérifier l’authenticité de son titre de séjour. Certains en ont profité pour revérifier la situation administrative de leur main-d’œuvre étrangère. Parfois, des salariés en situation irrégulière ont déserté la société de peur de se faire arrêter.

La mesure prise pour lutter contre l’emploi de sans-papiers met souvent dans l’embarras des chefs d’entreprise. "Je suis dégoûté, je suis obligé de refuser des chantiers", enrage Jean-Luc Quipert, gérant de la société de nettoyage OUI, située dans le Val-d’Oise. Sur ses 14 salariés, 10 avaient des fausses cartes de séjour. "Je les ai tous perdus, lâche-t-il. Je ne trouve personne d’aussi compétent pour les remplacer. Les vrais Français ne veulent pas de ce travail. C’est trop dur."

D’autres patrons refusent de se séparer de leurs employés. Garder leurs travailleurs sans-papiers est avant tout pour eux une question de survie de l’entreprise. A Net Express, société de nettoyage de Seine-Saint-Denis, sur les 8 salariés, 3 ont de faux papiers. Pour Djamila Serrar, la gérante : "Si dans six mois je ne les régularise pas, je mets la clé sous la porte."

Alors, ces patrons s’organisent. Pour tenter de garder les salariés, ils prennent des avocats. Certains se rendent dans des préfectures pour demander la régularisation de leurs travailleurs, comme le prévoit la circulaire du 7 janvier.

"On peut faire mieux", assure Yohann Le Goff. Ce jeune gérant de la société Konex veut créer un "lobby" de patrons afin de mutualiser les demandes de régularisation et avoir plus de poids auprès des préfectures. "Nos travailleurs sans papiers ne prennent la place de personne", insiste-t-il. Lui tente de faire régulariser un Algérien.

Depuis deux mois, Yohann Le Goff entre en contact avec des patrons qui vivent cette situation. Il se démène pour les convaincre de se lancer dans un mouvement de "patrons solidaires", nom du lobby. Une quarantaine ont accepté de le rejoindre. Il espère bientôt en convaincre une centaine.

Mustapha Kessous

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