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AIDES

Un séropositif en grève de soins face aux franchises : la réponse indécente du Président de la République

Article mis en ligne le samedi 19 janvier 2008

La réponse de Nicolas Sarkozy à Bruno-Pascal Chevalier, en grève des soins, est indécente. Alors que Bruno-Pascal a annoncé publiquement que la mise en place des nouvelles franchises médicales le conduisait à renoncer aux soins, le président de la République ressasse les mêmes faux arguments pour justifier une mesure qui lui tenait tant à cœur, en dépit de l’hostilité marquée de 70 % des français

- Il dit vouloir « assurer pour tous une meilleure qualité des soins ». Mais comment entend-il atteindre cet objectif en compromettant gravement la santé publique (et donc les finances de l’assurances maladie) par les renoncements ou les retards de soins nécessairement induits par les franchises ?

- Il « témoigne [auprès de Bruno-Pascal Chevalier] de [son] soutien et des [ses] encouragements » : comment peut-il alors continuer à culpabiliser tous les malades en invoquant à nouveau la « responsabilité » des assurés ?

Il parle d’une « somme modique », mais sait-il que 50 euros représentent

un effort énorme, parfois insupportable, pour les personnes atteintes par une maladie chronique ou une pathologie grave sur lesquelles pèsent déjà un lourd reste à charge ?

Près de la moitié des personnes séropositives vit avec moins de 760 euros par mois, la priorité est alors de se loger, de manger : de survivre. Pourtant, ces mêmes personnes doivent déjà payer de leurs poches au moins 500 euros par an pour pouvoir se soigner (déremboursements de médicaments essentiels pour leur qualité de vie ou leur santé, les dépassements d’honoraires et les actes non reconnus à la nomenclature de l’assurance maladie, auxquels il faut ajouter notamment le forfait hospitalier, le forfait à 1 euro par consultation et le forfait de 18 euros sur les actes hospitaliers lourds). Face à cette longue liste de « restes à charge » bien au-delà de 50 euros, les nouvelles franchises, pour la plupart des malades représente la mesure de trop.

Le Président dit que « les franchises ne privent pas de soins les plus vulnérables » et de rappeler les exonérations pour les bénéficiaires de la CMU, les enfants et les femmes enceintes. Mais que fait-il des personnes disposant de ressources juste au-dessus du seuil de la CMU, comme beaucoup de personnes atteintes d’une maladie grave ou d’un handicap ? Quel sort réserve-t-il à ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une mutuelle ou s’ils en ont une, c’est avec un panier de soins restreint et certainement pas sous couvert d’un « contrat responsable » ?

Une grève des soins est une décision grave. En ce qui concerne Bruno-Pascal, elle a été prise en conscience, de manière ultime lorsque les autres moyens d’actions se sont avérés vains face à l’entêtement gouvernemental. A quel geste extrême faut-il en venir pour alerter l’opinion publique et ouvrir les yeux du président ?

Les malades ne sont pas coupables. Parce qu’elles sont dangereuses, injustes et inacceptables, AIDES exige que les franchises soient abrogées.


Lettre à Nicolas Sarkozy de Bruno-Pascal CHEVALIER

Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Morsang-sur-Orge, le 3 janvier 2008

Lettre recommandée avec avis de réception

Objet : Grève de soins contre la franchise médicale

Monsieur le Président,

Je suis atteint d’une affection longue durée, le SIDA. Par ailleurs, je suis travailleur social et engagé dans diverses associations citoyennes de solidarité.La mise en place de la mesure de la franchise médicale m’oblige à payer 50 euros par an d’impôt supplémentaire par le seul fait que je sois malade. Après en avoir discuté professionnellement ou dans le cadre de discussions privées avec de nombreuses personnes âgées, invalides, atteintes d’affections de longue durée, j’ai fait le constat que l’ensemble de ces personnes ne peuvent déjà plus faire face à leurs dépenses de santé et sacrifient cette santé en ne se soignant plus ou en repoussant à plus tard voire trop tard des démarches de soins.

Pour la première fois dans l’histoire de la Sécurité Sociale, le principe de solidarité est posé : avec la franchise médicale chacun de nous se sent responsable voire coupable d’être malade, et par cette faute, nous allons devoir payer pour l’accès à ce droit fondamental qu’est celui de la santé.

Lorsque je regarde les feuilles de remboursement de mes médicaments et que je regarde le prix fixé par les laboratoires et accepté par le gouvernement, je me demande si le trou de la sécurité sociale n’est pas lié aux tarifs souvent démesurés appliqués par les laboratoires.

Monsieur le Président, je vous fais part officiellement de ma grève de soins que j’entame aujourd’hui en soutien à toutes les victimes de la mise en place de la franchise médicale.

Je mène cette action en pleine conscience des risques que je prends pour ma santé particulièrement précaire après vingt années de lutte contre la maladie. Sachez que la franchise médicale va pousser silencieusement beaucoup de malades à prendre la même décision que moi au risque de sacrifier leur vie.

J’exige de votre part l’abrogation de cette loi injuste.

Enfin, Monsieur le Président pensez-vous que cette mesure va participer à la relance économique ? ne pensez vous pas que d’autres choix sont possibles pour faire face aux besoins de santé ? Pour ma part j’en suis convaincu et déterminé à aller au bout de ma démarche en vous en tenant responsable.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Bruno-Pascal CHEVALIER

Copie : AFP, ACT UP, AIDES, Le Parisien, L’Humanité, Politis, …

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