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Carrefour dans l’impasse ou La bien curieuse idée de la franchise de M. Alexandre Bompard, PDG du Groupe Carrefour

Article mis en ligne le vendredi 26 janvier 2024

Pour Alexandre Bompard la franchise n’est pas cette noble qualité humaine : c’est le contrat de franchise qui permet, comme son nom ne l’indique pas, de s’affranchir des responsabilités liées au droit du travail ou au droit international dans la gestion des magasins. Cette gestion purement financière d’une entreprise de grande distribution d’une part dégrade la vie sociale dans les magasins, et d’autre part se heurte à l’opinion publique qui organise des campagnes de Boycott ou de Désinvestissement. Examinons 2 cas.

En France, quand M. Bompard a pris la présidence et la direction du groupe en 2017, il s’est forcément demandé comment réaliser ce qu’il estimait être sa mission, à savoir mieux rémunérer les actionnaires. Les économistes savent que les entreprises de grande distribution peuvent utiliser un contexte inflationniste pour augmenter les marges sur la vente des produits, mais M. Bompard a du penser que ce ne serait pas suffisant pour satisfaire les actionnaires. Sur l’éternelle question de comment faire baisser le coût du travail, il a trouvé la solution : mettre ses magasins en location-gérance, ou en franchise. Ainsi ce sont les nouveaux employeurs qui assurent la casse sociale : licenciements, perte du 13ème mois et de la mutuelle…, les économies réalisées permettent aux magasins de verser au groupe les fortes redevances prévues dans le contrat de franchise. Les salarié·e·s sont à bout, physiquement et moralement épuisé.e.s et les client.e.s constatent les dégâts dans les magasins franchisés : l’image du groupe s’en ressent (1).

Traversons maintenant la Méditerranée jusqu’en Palestine où M. Bompard va à nouveau utiliser sa vieille recette des contrats de franchise. Plongé dans ses critères de gestion financière et ignorant tout du contexte international, Alexandre Bompard signe des contrats de franchise avec deux sociétés israéliennes de grande distribution : des magasins dans les colonies israéliennes illégales en Palestine occupée vendent des produits Carrefour. Pour preuve de son ignorance ou de son insouciance : le 24 mai 2023, en pleine Assemblée Générale du Groupe, interpellé sur cette question par des militant·e·s, il improvise et promet qu’il n’y aura pas de magasin Carrefour dans les colonies… imprudence sur laquelle il sera très vite obligé de revenir suite aux menaces des enseignes israéliennes, aux protestations du gouvernement israélien et aux appels au boycott des Israélien·ne·s !

Et pire : fin octobre 2023, alors que la “guerre de Gaza” a déjà fait des milliers de morts civiles palestiniennes, Carrefour-Israël offre des colis aux soldat.e.s de l’armée israélienne, pratique qui est bien étrange pour nous mais assez courante en Israël. Pour seule défense, et confirmant par là même l’information, M. Bompard dit que ce n’est pas lui, que c’est Carrefour Israël. Nous voilà rassuré.e.s ! Une immense indignation parcourt les réseaux sociaux, la campagne de Boycott et de Désinvestissement lancée dès 2022 contre Carrefour à la suite de la signature des contrats de franchise est relancée.

Isolé dans sa tout d’ivoire avec ses meilleurs avocats d’affaire, faisant une confiance aveugle à la communication de son service RSE (2), M. Bompard ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Certes les contrats de franchise et autres filiales peuvent écarter le risque juridique du groupe pour le reporter sur les magasins franchisés ou sur les filiales, mais la clientèle et l’opinion publique ne s’y trompent pas : tout ça, c’est Carrefour, à 100%.

Depuis lors, les services de communication du Groupe restent silencieux, ils semblent sidérés, et il y a de quoi. D’une part l’image du groupe se dégrade de jour en jour, la campagne internationale de BDS ne cesse de monter en puissance en relation avec la volonté farouche affichée par le gouvernement israélien de poursuivre la punition collective qu’il inflige au peuple palestinien pour avoir osé résister à sa politique d’apartheid. D’autre part les entreprises de grande distribution israéliennes franchisées, le gouvernement et l’opinion publique israélienne sont résolus à faire payer très cher à Carrefour un éventuel retrait qu’ils prendraient pour une trahison. En se posant la question de savoir ce qui est existentiel et pour qui, gageons que dans un avenir proche Israël n’abandonnera pas les colonies, mais que Carrefour abandonnera Israël.

Quelle que soit l’issue des massacres en cours à Gaza, ce que de nombreuses organisations internationales reconnaissent enfin comme un génocide rappelle aux multinationales comme aux petites entreprises qu’Israël est un pays en guerre, une zone à très haut risque pour les investisseurs étrangers. Ce que n’avait pas voulu voir Carrefour, et qu’aujourd’hui il s’apprête à payer très cher.

BDS, le 25 janvier 2024

(1) Pour plus de détail sur les travers de la gestion financière d’A. Bompard : Alternatives Economiques N° 442 janvier 2024 ; Alexis Moreau, pages 54 – 57 https://www.alternatives-economiques.fr/alexandre-bompard-a-transforme-carrefour-machine-a-cash/00108572 (il faut s’inscrire pour lire l’article)

(2) Responsabilité Sociale des Entreprises

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