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Mon expérience de Premier Ministre durant l’accident nucléaire de Fukushima, par Naoto Kan, Ancien Premier Ministre du Japon

+ Fukushima 31 août 2013 : hausse de la radioactivité

Article mis en ligne le lundi 2 septembre 2013

Le niveau de radioactivité relevé dans un réservoir contenant de l’eau contaminée à la centrale nucléaire accidentée de Fukushima est 18 fois supérieur à celui mesuré voici encore dix jours, a annoncé dimanche l’opérateur de cette centrale de la côte nord-est du Japon, Tepco. Une radioactivité de l’ordre de 1800 millisieverts par heure - assez pour tuer en quatre heures une personne qui y serait exposée - a été calculée samedi près du fond d’un réservoir d’eau, a déclaré Tepco.

Le 22 août, la radioactivité mesurée dans le même réservoir était de 100 millisieverts par heure. Selon un porte-parole de Tepco, une nouvelle fuite a été décelée au niveau d’une canalisation reliant deux autres réservoirs.


Voir aussi :

http://www.bastamag.net/article3224.html

Japon
Après Fukushima : des mères de famille à la pointe du combat contre le nucléaire

Par Audrey Guiller (2 septembre 2013)

Alors que des tonnes d’eau radioactive continuent à s’écouler de la centrale de Fukushima, les mouvements antinucléaires japonais se battent pour que les 52 réacteurs actuellement à l’arrêt le restent. En pointe de ce mouvement : les femmes du collectif Mama Gen. Face à un gouvernement pro-nucléaire, à une population qui pense tourner la page en jouant l’autruche, et à des médias qui les ignorent, la tâche est ardue. Basta ! vous emmène à leur rencontre.


http://fukushima.over-blog.fr/


A l’occasion du second anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima, un symposium s’est tenu à l’Académie de Médecine de New-York les 11 et 12 mars 2013. Organisé par la Fondation Helen Caldicott et coparrainé par Physicians for Social Responsibility (Médecins pour une Responsabilité Sociale), ce symposium est intitulé « Les conséquences médicales et écologiques de l’accident nucléaire de Fukushima ». Un groupe d’éminents scientifiques internationaux dans les domaines de la médecine et de la biologie, des ingénieurs nucléaires et des experts en politique ont ainsi présenté des exposés et discuté des conséquences bio-médicales et écologiques de la catastrophe de Fukushima.

Malgré la grande qualité des interventions, cet évènement international consacré à la catastrophe nucléaire la plus grave de l’Histoire est passé quasiment inaperçu dans les médias. Suite à ce constat, une vingtaine de citoyens européens se sont mobilisés pour réaliser des traductions françaises et allemandes afin de diffuser les communications sur la toile. Mais la tâche est colossale. Il n’y a pas moins de 23 conférences à transcrire et traduire. Au jour d’aujourd’hui, la moitié de la tâche est déjà accomplie et je voudrais remercier chaleureusement tous les transcripteurs, traducteurs et relecteurs qui réalisent ce travail bénévolement. Par ailleurs, le formidable travail réalisé par Kna60 permet de suivre ces conférences en vidéos sous-titrées en français sur son blog. Qu’il en soit également ici remercié.

Le blog de Fukushima se propose de diffuser les textes et les vidéos des conférences traduites. Commençons par la première intervention de la première journée, il s’agit de l’intervention de Naoto Kan, filmée du Japon car l’ex Premier Ministre n’avait pu se rendre aux Etats-Unis.

Symposium de New York, 11-12 mars 2013

Les conséquences médicales et écologiques de l’accident nucléaire de Fukushima

Mon expérience de Premier Ministre durant l’accident nucléaire de Fukushima

par Naoto Kan

Membre de la Chambre des Représentants

Ancien Premier Ministre du Japon

Bonjour à tous. Je suis Naoto Kan.

J’étais Premier Ministre du Japon lorsque la catastrophe nucléaire de Fukushima s’est produite en 2011.

J’étais invité au symposium organisé par la fondation Helen Caldicott, mais je n’ai pu m’y rendre en personne. À la place je vous envoie ce message vidéo pour vous dire ce qui s’est passé durant cette période.

La catastrophe nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011 a résulté de deux causes majeures.

Inutile de le dire, la cause première a été la coupure totale de courant à Fukushima Daiichi, causée par l’énorme séisme et tsunami, les plus forts jamais survenus dans l’histoire du Japon. Toutefois, il y avait effectivement une autre cause majeure.

Une telle coupure totale de courant et un tsunami aussi puissant n’ont jamais été anticipés. Aucun préparatif à une telle situation n’a jamais été fait en termes d’installations physiques ou de structure de la communication au sein du gouvernement. C’était, en d’autres termes, une cause d’origine humaine.

Ce furent les deux causes qui ont conduit à ce désastre nucléaire majeur.

(...)

Dans l’intervalle, j’ai personnellement examiné, ainsi que des experts, les scénarios du pire. Comme je viens de le dire, il y a un total de 10 réacteurs nucléaires et 11 piscines à combustible dans les centrales nucléaires de Fukushima Daiichi et Daini. Si tous devenaient hors contrôle, fondaient et libéraient des matières radioactives dans l’air et dans l’océan, quelles quantités de matières radioactives seraient libérées dans l’environnement ?

Jusqu’à ce moment, Tchernobyl a été la pire catastrophe nucléaire, mais Tchernobyl a résulté d’un accident dans un seul réacteur nucléaire. Si en comparaison, on avait perdu le contrôle de 10 réacteurs et piscines à combustible usagé, l’évacuation d’une zone extrêmement étendue aurait été nécessaire. C’est alors ce qui m’inquiétait le plus.

M. Kondo, qui était le président de la Commission à l’Énergie Atomique du Japon, m’a fait remarquer que dans un scénario du pire, les gens dans un rayon de 250 kilomètres pourraient devoir évacuer, et qu’ils ne seraient peut-être pas en mesure de rentrer chez eux pendant 10, 20 ou 30 ans.

La métropole de Tokyo est dans cette zone de 250 km. 50 millions de gens, presque la moitié de la population du Japon, vivent là. Si 50 millions de personnes doivent abandonner leurs maisons, quitter leur lieux de travail, ou leur école, ou si des patients hospitalisés doivent quitter leurs hôpitaux, il y aurait beaucoup plus de victimes pendant l’évacuation. Le Japon ne pourrait fonctionner pleinement en tant que nation pendant longtemps.

Le Japon était proche de ce scénario extrêmement grave.

Finalement nous avons pu minimiser la dispersion de la radioactivité en versant de l’eau dans les réacteurs avant que la situation ne devienne trop critique. Je crois qu’on l’a dû au fait que non seulement l’opération a été habilement gérée, mais que nous avons eu en fait une protection divine.

Durant ces opérations, nous avons découvert que dans la politique énergétique nucléaire du Japon jusqu’alors, il n’y avait pas de réglementation suffisante pour forcer les compagnies exploitantes à se préparer à un tsunami, y compris en installant un générateur de secours à une grande hauteur.

L’Agence de Sûreté Nucléaire et Industrielle, un organisme dépendant du Ministère de l’Économie, du Commerce & Industrie, était l’autorité qui devait jouer un rôle primordial dans la prise en charge d’un accident dans une centrale nucléaire. Toutefois, les cadres supérieurs de cette agence n’étaient pas des experts en énergie nucléaire. Ils étaient experts en législation ou politiques économiques. Ni eux, ni leurs équipes, n’ont jamais été préparés à un désastre nucléaire de cette ampleur.

Mon opinion est que ce manque de préparation en termes d’installations matérielles, le manque de politiques appropriées et de structure du gouvernement ont aggravé la catastrophe.

Après avoir vécu cette catastrophe nucléaire, j’ai pensé à la façon de gérer les centrales nucléaires dans le contexte des politiques énergétiques japonaises et mondiales.

Ma conclusion est que la meilleure sécurité dans le nucléaire, c’est de ne pas avoir de centrales nucléaires du tout. En effet, je suis convaincu que ne pas avoir de centrales nucléaires est la plus sûre des politiques nucléaires ou énergétiques.

Inutile de dire que si nous pensons au risque extraordinaire de perdre la moitié de notre pays et d’avoir 50% de la population qui doive évacuer, ce problème ne peut pas être résolu par la technologie.

En outre, plus fondamentalement, j’en suis venu à penser que l’humanité a commencé à manipuler l’atome, créant des bombes atomiques et des armes nucléaires, puis des centrales nucléaires. Il a été créé une technologie qui ne peut pas coexister facilement avec la vie humaine sur Terre.

Quand je considère la future politique énergétique, je me souviens que la race humaine ainsi que toutes les autres créatures sur Terre ont coexisté avec le soleil pendant environ 4,5 milliards d’années. Et le soleil a fourni pratiquement toute l’énergie sur Terre jusqu’à ce jour.

Je crois que la future politique énergétique Japonaise et mondiale doit se focaliser sur l’extension de l’utilisation de l’énergie renouvelable, et nous devrions finalement en obtenir toute l’énergie requise sans utiliser l’énergie nucléaire ou les combustibles fossiles.

Au Japon, un système de tarif de rachat a été introduit après la catastrophe nucléaire, et les énergies renouvelables, telles que le solaire et l’éolien ont commencé à gagner en popularité à un rythme explosif.

D’un autre côté, les problèmes des centrales nucléaires, ça n’est pas seulement un risque potentiel d’accidents. Elles génèrent du combustible usagé, c’est-à-dire des déchets nucléaires. Aucune solution satisfaisante quant à leur élimination sécurisée n’a été trouvée nulle part dans le monde.

(...)

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Vos commentaires

  • Le 9 septembre 2013 à 13:35, par Christiane En réponse à : Mon expérience de Premier Ministre durant l’accident nucléaire de Fukushima, par Naoto Kan, Ancien Premier Ministre du Japon

    Fukushima : pas de poursuite pour Tepco

    Le parquet de Tokyo a décidé de ne pas donner suite à une plainte d’habitants de la préfecture de Fukushima, qui voulaient poursuivre devant la justice criminelle les dirigeants du gérant de la centrale accidentée et le gouvernement japonais de l’époque pour négligence.

    Les plaignants avaient demandé au parquet de poursuivre non seulement les dirigeants de la compagnie gérant le site, Tokyo Electric Power (Tepco), mais aussi l’ancien chef de la Commission de sûreté nucléaire et l’ancien premier ministre Naoto Kan, ainsi que plusieurs de ses ministres. Ils reprochaient à ces divers responsables d’avoir tardé à dévoiler des données sur l’ampleur de la contamination radioactive issue de la centrale de Fukushima Daiichi (220 km au nord-est de Tokyo), dont les systèmes de refroidissement avait été coupés après le passage d’un tsunami le 11 mars 2011.

    Les plaignants arguaient aussi du fait que ces dirigeants n’avaient pas prévu de mesures de protection suffisantes pour faire face à un raz-de-marée.

    Au final, ils estiment que ces diverses erreurs ont entraîné la mort de nombreux résidents des environs. Si personne n’est mort officiellement des radiations émises après l’accident, la préfecture de Fukushima a estimé en juin que plus de 1400 résidents de la région étaient décédés des suites de la catastrophe (du fait des mauvaises circonstances de leur évacuation, de la dégradation de leurs conditions de vie ou par suicide).

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