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COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME

Prison : Des solutions insatisfaisantes, bâties sur des hypothèses discutables

Article mis en ligne le mercredi 29 février 2012

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est l’institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme française au sens des Nations Unies. Par ses avis, ses études et ses recommandations, elle assure, de manière indépendante, un rôle de conseil et de proposition auprès du gouvernement en matière de droits de l’homme, de droit international humanitaire et d’action humanitaire tant sur le plan national qu’international. Elle appelle en outre l’attention du gouvernement et du Parlement sur toute mesure lui paraissant de nature à favoriser le respect des droits de l’homme.

Communiqué de presse

Prison : Des solutions insatisfaisantes, bâties sur des hypothèses discutables

Paris, mercredi 29 février 2012

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale adoptera définitivement le projet
de loi de programmation relatif à l’exécution des peines. La CNCDH alerte les députés sur les dangers
d’une adoption en l’état de cette loi, qui engage la politique carcérale de la France pour six ans
, et
rappelle les termes de son avis sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines
adopté en urgence le 26 janvier 2012.

La CNCDH constate une fois encore les dangers de la procédure accélérée, qui a conduit à escamoter tout
débat, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Elle regrette ainsi qu’un texte d’une telle importance ne
puisse faire l’objet d’un examen plus serein, et qu’il ne soit discuté que quelques heures par l’ensemble
des députés. Elle constate que le projet discuté par l’Assemblée nationale entraine une véritable rupture
doctrinale avec les précédentes réformes, notamment celle de 2009.

Un projet de loi basé sur un scénario hypothétique

En premier lieu, la CNCDH s’interroge sur la mesure principale du projet qui prévoit la création 24 397
places de prison à l’horizon 2018. L’augmentation du parc carcéral aurait pour but, selon l’exposé des
motifs, de répondre au « scénario le plus probable d’exécution des peines ». Or, la CNCDH considère que
ce scénario est contestable. Il témoigne d’un abandon d’une politique de prévention de la délinquance
ambitieuse privilégiant l’aménagement des peines. A la suite du sénateur Jean-René Lecerf, la CNCDH
souligne le risque que «  l’accroissement des capacités de détention n’ait d’autre effet que d’encourager de
nouvelles incarcérations
 », et que ce texte n’alimente « le cercle vicieux entre l’accroissement du nombre
de détenus et l’augmentation des capacités d’accueil en prison »
.

La CNCDH attire l’attention des parlementaires sur les conséquences de l’augmentation du parc carcéral
en matière d’aménagement des peines. En effet, le projet d’augmenter ce parc carcéral aurait pour
finalité, selon ses promoteurs, de résorber le stock des peines en attente d’exécution qui serait de 85 600 ;
cependant, la plupart de ces peines sont inférieures ou égales à 2 ans d’emprisonnement. Or, l’exécution
de ces courtes peines en milieu fermé contredit les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009, qui
érigeaient en principe l’aménagement des peines inférieures à deux ans. La CNCDH rappelle les mérites
de l’aménagement de peine ab initio, les courtes peines de prison pouvant « revêtir une dimension
symbolique au moment de la condamnation
 », mais l’incarcération pouvant à l’inverse aggraver la
situation du condamné.

Des conditions de détention toujours insatisfaisantes

Enfin, la CNCDH considère que si la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, comme le
prévoit le projet, peut s’avérer souhaitable lorsqu’elle vise à mettre fin à des conditions de détention
contraires à la dignité humaine, les établissements récents sont souvent d’une taille excessive, et font
primer la sécurité sur les rapports humains, au détriment de l’objet de réinsertion. La CNCDH constate
que le renouvellement du parc pénitentiaire n’apporte pas à lui seul une garantie d’amélioration effective
du respect des droits de l’homme.

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